La fille aux lunettes noires
Série : Les enquêtes du commissaire Marceau
Mary Bisenti
Roman
ISBN : 978-2-9551188-6-3
Extrait
Chapitre I
Un crime passionnel ?
Que signifiait la rencontre avec la fille aux lunettes noires ? Comment cette femme avait-elle eu connaissance de nos relations avec Annie* ? Comment savait-elle que nous étions au Japon ? Quelle relation avait Annie avec ce crime abominable commis en plein Tokyo ?
Nous avions répandu les cendres d’Annie dans le jardin« Koishikawa Kôraku-en ». Au sanctuaire Meiji-jingu, nous avions écrit sur un « Ema » et brûlé de l’encens. Annie devait maintenant reposer en paix et cette fille venait nous transmettre un message, en ligne directe de l’au-delà, dont l’auteur était Annie ! De surcroît elle nous transmettait son message en chantant, le tout à l’ambassade de France à Tokyo !
Au petit jour, une voiture de l’ambassade nous avait ramenés à l’appartement. Toutes ces questions, je passais la nuit à les retourner dans ma tête. Madeleine et Edouard, mes comparses assommés par tant d’émotions, eurent aussi un sommeil très agité. Il est vrai que la poste intemporelle* délivrait rarement des messages chantés. Entamer en cœur, « Je ne t’écrirai plus jamais* » de Claude Barzotti avec un ambassadeur de France, était le pompon. Danser sur « Le Rital* », toujours du même Claude Barzotti avec une inconnue, alors que nous étions convoqués, pour recevoir un message de la victime, Elisabeth Fieldman, était des plus incongru.
Au réveil, Madeleine avait pris les devants. Une cafetière de café salé nous attendait.
– Simone, Edouard, nous buvons d’abord le café et après nous faisons le point. Vous êtes d’accord ?
Inutile de répondre, nous étions tous d’accord pour nous donner un peu de répit, avant d’aborder le problème de la fille aux lunettes noires. Nous allions examiner l’inexplicable, lorsque le téléphone sonna. L’ambassadeur désirait nous voir dans l’après-midi pour faire le point. La soirée mouvementée, que nous avions vécue ensemble, l’avait également profondément perturbé. Madeleine décommanda son rendez-vous avec sa fille Béatrice.
– Simone, j’ai trois messages de ton fils.
– Ne t’en occupe pas pour l’instant, nous avons d’autres chats à fouetter.
– Ouvre ton portable, tu dois avoir un message important. Une fille est venue te voir à ton appartement à Paris.
J’allais chercher ce fameux portable au fond de ma valise.
– Tiens, amuse-toi avec Madeleine. Elle tritura tous ses boutons incompressibles pour moi et le message apparu. Écrire sur un Ema* était plus simple que de lire un S.M.S.
Message de William à Simone, sa mère.
« Maman, une jeune femme te cherche de la part d’Annie. Ton amie Annie est très inquiète pour toi. J’ai consenti à lui dire que tu étais au Japon. Soit prudente cette fille est étrange, elle porte des lunettes noires et parle en vers ou en prose, je ne sais plus. Pamela pense que c’est une voyante. J’envoie un message à Madeleine et Edouard pour qu’ils se méfient à ta place. Reviens vite saine et sauve ». Ton fils William.
– Nous avons la réponse à ma troisième question. Tu viens de nous faire gagner du temps Madeleine.
Je sortis ma liste et rayais la question numéro trois. Nous savions maintenant comment elle avait eu vent de ma présence au Japon. Je croyais m’en sortir aussi facilement que nenni, une voix raisonna dans ma tête.
– « Tu as en partie raison Simone. Je suis allée chez toi pour m’assurer qu’Annie ne me faisait pas une blague ».
– Madeleine elle me parle !
– Qui ?
– La fille aux lunettes noires !
– « Arrête de m’appeler la fille aux lunettes noires. Je m’appelle Betty ».
– Elle dit qu’elle s’appelle Betty ! Edouard, c’est quoi tout ce binz ?
– Télépathie, probablement. Cette fille communique par ondes hautes fréquences. Je n’en sais rien Simone, je suis aussi paumé que vous deux.
– « Arrêtez de vous poser des questions, le temps presse. Simone, quel est le message caché d’Annie ? »
Inutile de résister. Je lui posais la seule question qui me préoccupait depuis notre rencontre. Si elle préférait échanger des informations par télépathie, pas de problème.
– Dites-moi d’abord, quelle est la relation entre la morte et Annie ?
– « C’était une de ses amies très chère ».
Je venais d’avoir la réponse à ma quatrième question. J’informais Madeleine et Edouard de la réponse et posais la dernière question.
– Betty, pourquoi Annie vous a-t-elle choisie pour me transmettre ce message ?
– « Annie était une amie. Elle habitait dans mon immeuble. Elle savait que je pourrais vous parler ».
Je venais d’avoir la réponse aux deux autres questions. Nous pouvions nous mettre au travail
– Edouard, nous savons maintenant pourquoi nous sommes mêlés à cette affaire. Etudions la chanson ensemble. Madeleine, peux-tu télécharger cette chanson que j’écrive toutes les paroles ?
Miracle de la technologie moderne, ce qui fut demandé, fut fait. Les trémolos de « Je ne t’écrirai plus jamais*», de Claude Barzotti, résonnèrent dans l’appartement. Je pris le temps de noter chaque phrase.
– Nous allons analyser chacun une partie pour gagner du temps, Madeleine quelle partie te semble plus facile pour toi ?
– La deuxième partie du premier couplet me parait plus simple.
« Je t´envoyais des fleurs séchées, de la lavande et des pensées,
Il n´y a pas d´amour heureux, disait Aragon amoureux,
J´écrivais tout et sans pudeur, je me déshabillais le cœur,
Je t´écris une dernière fois, c´est ma dernière chanson pour toi... »
– Et vous Edouard ?
– Je vais essayer le troisième bien que la poésie ne soit pas mon fort.
« Je te recopiais des poèmes, piqués à ce vieux fou d’Hugo.
Lui qui savait dire je t´aime, sans jamais avoir l´air idiot.
Je me servais d´Apollinaire, et de Rimbaud et de Verlaine,
Ce rêve étrange et pénétrant, moi aussi, je l´ai fait souvent. »
– Je m’occupe du reste. Pour tout le monde le refrain est clair ?
« Sous un pli bleu je t´envoyais, la tendresse de Bernard Dimey,
Tu trouvais que c´était joli, tu n´y as jamais rien compris,
Je t´envoyais des chansons de Brel, celles qui frappaient où le cœur se fêle,
Je pensais qu´elles pourraient peut-être, faire pousser un arbre au désert. »
{Refrain}
« Je ne t´écrirai plus, je n´en ai plus besoin,
Je ne t´écrirai plus, maintenant tout va bien,
Je ne t´écrirai plus, le calme est revenu, la tempête a cessé, j´ai fini de t´aimer ».
– Si nous considérons que c’est une lettre de rupture, oui. Un tel refrain est sans ambiguïté. Considéra Madeleine, la spécialiste du cœur.
– Il me semble aussi et vous Edouard ?
– Si c’est une simple lettre de rupture, oui. Si c’est l’assassin qui l’a écrit, il peut exprimer son soulagement d’en finir avec elle.
– Attention ne faisons pas l’erreur de croire que ce mot existe. Annie, à travers cette chanson, nous transmet un indice. Elle nous demande de déterminer le mobile de l’assassinat. Le mobile pourra nous mener à l’assassin.
– Vous avez raison Simone. Pour l’instant nous cherchons le mobile.
– Simone, si nous considérons la chanson dans son ensemble, il me semble qu’elle nous indique aussi la nationalité de l’assassin.
– Parce que l’auteur est italien ? Je ne crois pas. Ce serait trop simple. Madeleine nous devons comprendre le raisonnement d’Annie. Il faudra demander la liste des personnes qui accompagnaient la victime.
– Il est vrai qu’Annie était pragmatique. Son rayon était le divertissement. Une affaire de cœur qui a mal tourné, un amant jaloux, une histoire sordide de chantage ? Un homme marié qui se retrouve devant une fille enceinte ? Enfin, toute la panoplie d’un drame inévitable.
– Vous avez probablement raison Madeleine, mais de là à la découper en sushis, il y a une marge tout de même. S’indigna Edouard.
– Peut-être un imitateur ? Au Japon il y a déjà eu ce genre de drame.
– Voyons Simone, il faut avoir le cœur bien accroché pour découper un corps. De plus une partie a été transportée dans sa chambre hôtel. A tout moment le personnel de l’hôtel aurait pu ouvrir la porte.
– Cela veut dire tout simplement, que le corps a été découpé ailleurs et que l’assassin a mis des morceaux dans la chambre après. Trouvons d’abord le mobile.
Chacun dans son coin avec son couplet, nous griffonnions, émettions des hypothèses, triturions le texte, pour découvrir une réponse logique au message d’Annie. Mais pourquoi cette fille était-elle morte dans des conditions aussi atroces ? Après une heure de ce petit jeu, lasse de chercher, j’interrogeais Edouard et Madeleine.
– Madeleine, quel est le motif de ce crime d’après toi ?
– Je penche pour un crime passionnel.
– Edouard ?
– Moi aussi, un crime passionnel et vous Simone ?
– Moi aussi, je penche pour un crime passionnel, doublé d’un crime crapuleux.
– Pourquoi un crime crapuleux ?
– Madeleine, la passion aveugle existe mais pas avec cette violence. Si l’assassin est européen, il a mis en scène son crime en rapportant des morceaux dans la chambre. Une façon d’envoyer un message à son entourage ou à ses complices. Il est probable qu’il ait donné des ordres, mais ne l’a pas exécuté lui-même.
– Simone si vous avez raison, il n’est pas question que vous vous occupiez de cette affaire. Je vous ramène toutes les deux en France immédiatement.
– Voyons Edouard ce n’est qu’une hypothèse. Je suggère que nous disions à l’ambassadeur que nous penchons pour un crime passionnel, rien de plus. Edouard, pouvez-vous envisager que Betty vienne s’installer avec nous ? Je voudrais pouvoir échanger mes impressions en live plutôt que de passer par des ondes hertziennes.
Réponse immédiate de Betty
– « Moi aussi je me fatigue à rester à l’antenne en attendant votre intervention. Je prépare ma valise, je vous attends chez l’ambassadeur ».
– Simone, nous prenons un risque si cette fille est cinglée !
Madeleine répondit à ma place.
– Edouard, ne soyez pas craintif. Betty est tout simplement un transmetteur. Elle a un don qui lui permet de communiquer avec l’intemporel.
Pas de réponse de Betty, plus personne à l’antenne. Il est temps de se rendre à ambassade, le chauffeur nous attend. Edouard est contrarié, Madeleine et moi sommes sereines.
***
Une semaine plus tôt chez Betty
« Mon histoire c'est l'histoire d'un amour.
Ma complainte c'est la plainte de deux cœurs.
Un roman comme tant d'autres.
Qui pourrait être le vôtre.
Gens d'ici ou bien d'ailleurs…* »
Depuis ce matin, ces paroles me trottaient dans la tête. Je chantais à tue-tête, quand Annie prit contact avec moi. Elle chanta quelques paroles avec moi.
« C'est la flamme qui enflamme sans brûler.
C'est le rêve que l'on rêve sans dormir.
Comme un arbre qui se dresse …» et s’arrêta dans son élan. « Betty écoute-moi ! »
– Mais Annie, tu es morte !
– « Oui je sais, mais tu dois m’aider ? »
– Où es-tu ?
– « Dans un parc, je crois au Japon ».
– Qu’est-ce que tu fais au Japon ?
– « Simone a pensé que je serais en paix dans ce parc. Tu sais c’est un très beau parc au printemps. Tu te souviens de Simone, je t’en ai parlé ».
– La mère* désespérée qui a passé une annonce pour rechercher une femme pour son fils ?
– « Oui et j’ai cru que c’était pour récupérer son mari. Mais maintenant, je sais qu’elle voulait vraiment rendre son fils heureux ».
– Tu me contactes pour Simone, pour son fils, pourquoi ?
– « Une de mes amies vient de se faire découper en sushis. Il faut que tu contactes Simone pour qu’elle trouve l’assassin ».
– C’est un flic ta Simone ?
– « Mais non, mais elle est très maligne. Grâce à elle, Romuald va payer pour m’avoir droguée. Elle n’est pas seule, Madeleine et le commissaire Marceau l’accompagnent ».
– Madame voyage accompagnée de ses gardes du corps ?
– « Betty ne plaisante pas. C’est urgent, elle est en danger ! »
– Pourquoi est-elle en danger ?
– « Parce que la fille qui a été assassinée me connaissait. Ils savent pourquoi elle est au Japon ».
– Et tu veux qu’elle trouve l’assassin de ton amie ? Tu es folle, tu la jettes la tête la première dans un nid de guêpes.
– « Si elle ne trouve pas l’assassin rapidement, ils les tueront tous les trois dès leur retour à Paris ».
– Merde Annie, c’est un complot ?
– « Je ne sais pas, mon amie n’a pas eu le temps de m’en dire plus. Ils lui ont coupé la tête, je ne peux plus communiquer avec elle ».
– Annie, qu’est-ce que tu veux lui transmettre comme message ?
– « Chante-lui la chanson « Je ne t’écrirai plus jamais* » de Claude Barzotti. Elle va certainement trouver le mobile du meurtre ».
– Tu es sûre qu’elle pourra trouver l’assassin grâce à cette chanson ?
– « J’espère qu’elle en aura une idée. Elisabeth chantait cette chanson avant de couper la communication. Je vais essayer de recontacter mon amie. Dès que je pourrai, je t’envoie d’autres informations plus précises ».
Dès que la transmission fut coupée, je repris ma chanson là où je l’avais laissée.
« Plein de force et de tendresse. Vers le jour qui va venir
{Refrain:}
C'est l'histoire d'un amour, éternel et banal
Qui apporte chaque jour tout le bien tout le mal
Avec l'heure où l'on s'enlace, celle où l'on se dit adieu
Avec les soirées d'angoisse et les matins merveilleux ».
Je m’arrêtai et décidai d’aller chez cette fameuse Simone. Comment, j’avais trouvé son adresse ? Très simple, je me suis connectée avec Simone pendant son sommeil. Drôle de petite bonne femme l’amie Simone ! Elle voudrait que la terre entière baigne dans le bonheur. Puisque j’étais là, autant consulter les rêves de son amie Madeleine et du fameux commissaire Marceau.
Madeleine, une grande amoureuse volcanique et sincère. Marceau, un commissaire amoureux et fidèle en amitié. Simone était bien entourée mais en danger d’après Annie. Il était temps d’agir.
Pourquoi je décidais d’aller chez Simone à Paris ? J’étais perplexe, Annie morte et en voyage au Japon qui me contactait dans le 20e à Paris pour me demander de sauver Simone, je croyais rêver. Je communiquais depuis longtemps avec les disparus, jamais avec des esprits globe-trotters. Une première en quelque sorte.
– « Betty, tu t’embarques encore dans une aventure qui te dépasse. Rentre chez toi ! »
– Grand-mère ne t’emballe pas, je vérifie si Annie est vraiment au Japon.
– « Ne m’appelle pas grand-mère, tu sais que je déteste ça ! »
– Je sais, mais maintenant que tu n’es plus là, je t’appellerai comme je veux.
– « Si tu t’entêtes à me contrarier, je ne te contacterai plus jamais ».
– Antoinette, tu ne pourras jamais t’arrêter de te mêler de mes affaires. Si seulement tu pouvais mettre en application tes menaces, je pourrais vivre tranquille.
– « Sale peste ! Va te faire tuer, je pourrai enfin reposer en paix ! »
– Mon petit hérisson cesse de mentir, tu sais bien que tu m’aimes.
– « Tu vas arriver à me tuer d’inquiétude, petite garce ! »
– Grand-mère c’est impossible, tu es déjà morte.
Me voilà devant la porte de l’immeuble. Un grand gaillard m’ouvre la porte de l’appartement de Simone. Beau garçon guindé et méfiant, la fille derrière lui plus abordable. Entretien difficile, il finit par avouer que sa mère était bien au Japon à Tokyo. Annie ne m’avait pas raconté une de ses histoires vaseuses. Il ne me restait plus qu’une solution, me rendre au Japon, prévenir Simone du danger qui la menaçait, elle et ses amis.
***
Rendez-vous avec l'ambassadeur
On nous introduisit dans le bureau de l’ambassadeur sans nous faire attendre. Le commissaire Marceau résuma nos recherches et conclut péremptoire.
– Nous penchons pour un crime passionnel Monsieur l’Ambassadeur.
– Inspecteur Marceau, si c’est un crime passionnel, pourquoi une partie du corps est-elle manquante ?
L’ambassadeur serait-il moins facile à berner que nous le pensions ? Il était loin d’être stupide.
– Vous êtes peut-être confronté à un fétichiste ?
– Pas moi Commissaire, mais vous. Je viens de recevoir l’ordre officiel de Paris qui vous délègue sur cette affaire. Tant que ce meurtre ne sera pas résolu vous devez rester sur place. Vous allez devoir collaborer avec les personnes en charge de l’affaire au Japon. Mon secrétaire va vous conduire auprès d’eux.
– Je n’ai aucun pouvoir dans ce pays. Si vous voulez que je collabore avec la police nippone, veuillez mettre à ma disposition un bureau et leur demander de bien vouloir prendre contact avec moi. Un autre point, j’ai besoin de savoir qui est la victime avant de poursuivre mon enquête. En général, une ambassade ne prend pas autant de précautions pour un meurtre.
– Impossible de biaiser avec vous Commissaire Marceau. C’était la fille d’un haut fonctionnaire, la réponse vous suffit ?
– Nous ferons avec Monsieur. Mademoiselle Betty va se joindre à nous. Si elle doit nous faire parvenir d’autres messages ce sera plus simple de l’avoir sous la main.
– Personnellement, je vous la mets à disposition avec plaisir. Cette fille me donne froid dans le dos.
A cet instant, un échalas, guindé, à la figure lugubre pénétra dans la pièce.
– Commissaire, je vous présente mon secrétaire particulier.
L’échalas tendit une main môle, et tenta une grimace qui devait correspondre à un sourire amical. Après avoir fait le tour des prétendants à la convivialité, il se tourna vers l’ambassadeur.
– Arnold, vous allez conduire le commissaire dans le bureau du consul, puisqu’il est absent pour trois semaines. Vous serez tranquille le temps de vos investigations Commissaire.
Arnold dissimula une grimace. Il n’avait pas l’air d’apprécier notre présence sur les lieux. Encore moins dans le bureau du consul. La décision de son patron paraissait l’incommoder au plus haut point.
– Monsieur l’Ambassadeur, je vous ai entendu dire que la jeune femme nous quitter.
– Son départ vous pose un problème Arnold ?
– Non, mais nous ne pourrons plus la protéger.
– Le Commissaire Marceau compte se charger de sa sécurité. Allez-la prévenir qu’il est là, qu’elle se prépare à le suivre. Conduisez Mademoiselle Betty dans le bureau du consul. Je n’en veux plus dans mon bureau.
A peine, Arnold parti à la recherche de Betty, en maugréant, la porte donnant sur les appartements privés de l’ambassadeur s’ouvrit à la volée. Une femme lourdement fardée, entra en coup de vent, suivie de notre récepteur à longues ondes, la demoiselle Betty en personne.
– Philippe, c’est incroyable ! Betty vient de m’annoncer qu’avant deux mois nous changeons de poste. Cette fille est extraordinaire !
Le dénommé Philippe se sentit obligé de nous présenter sa moitié.
– Ma femme Elise et la fameuse Betty.
Nous répondîmes en chœur, « Enchanté » ! Que dire de plus, nous avions hâte de nous mettre au travail. Les mondanités nous passaient au-dessus du bonnet. Elise traina un moment et repartit comme elle était venue, en coup de vent. Betty resta avec nous, son sac de voyage à ses pieds.
– Monsieur l’Ambassadeur, comment se porte votre amie Angélica ?
– Betty, vous pensez m’impressionner ?
– Non, je tiens à vous mettre en garde. Une personne dans votre entourage collectionne les informations sur votre vie privée et celle de votre femme. Soyez prudent dans les mois à venir. Dites à votre amie Angélica de rentrer dans son pays au plus vite.
J’eus l’impression que Betty ne lui apprenait rien de nouveau. Cet homme semblait subir un chantage depuis longtemps. Victime ou bourreau, l’ambassadeur ? Arnold réapparut, ne cachant pas sa contrariété.
– Vous étiez là Mademoiselle Betty ! Venez Commissaire, Mesdames.
***
Le bureau du consul
Arnold nous convoya, Edouard en tête, vers le bureau du consul. Etrange ce bureau, aucun objet personnel, table rase, placard quasiment vide, ni photos, ni trophées. Ce local donnait l’impression d’avoir été déserté et nettoyé à fond. Que voulait cacher le consul avant de partir ? Est-ce un départ sans espoir de retour ? A moins que quelqu’un d’autre ait décidé qu’il ne devait jamais plus réapparaître. Que savait Bertrand M… pour partir précipitamment en vacances le lendemain du meurtre d’Elisabeth Fieldman ?
– Merci Arnold. Pouvez-vous nous procurer un fax et un ordinateur ?
– Vous pouvez utiliser mon ordinateur en attendant que je vous en procure un.
– Vous avez le temps jusqu’à demain matin. Pouvez-vous contacter en priorité le commissaire qui s’occupe de l’affaire ici. Demandez-lui de m’appeler au plus vite. Procurez-moi un portable avec un numéro local et un grand tableau de réunion.
– Ce sera tout Monsieur le Commissaire ? La question fut posée avec aigreur.
– Non, trouvez-moi la liste des congressistes qui étaient à l’hôtel avec la victime. Merci Arnold.
– J’inclus le fiancé dans la liste ?
– La victime avait un fiancé Monsieur Arnold ? Demanda Madeleine avec fermeté.
– Il semble, Madame. Il est arrivé hier de Paris, terriblement choqué par la mort de sa promise.
– Monsieur Arnold depuis combien d’années êtes-vous au Japon ?
– Vous désirez que je rajoute mon curriculum à la liste Madame Simone ?
– Inutile, dites le moi tout simplement.
– Plus de vingt ans au Japon, deux ans aux USA, la liste est longue.
– Vous avez raison, rajoutez votre plan de carrière dans la liste Monsieur Arnold.
– Vous désirez la liste de tout le personnel de l’ambassade Madame Simone ?
– Bon Arnold inutile de persifler. Vous nous donnez la liste complète du personnel. Plutôt cette affaire sera résolue, plutôt nous quitterons ces locaux.
– Je dois aviser l’ambassadeur avant de vous transmettre cette liste, Commissaire.
– Faites, faites Arnold, avisez ! Apportez-moi le portable immédiatement. Hurla excédé Edouard. Mesdames, rentrons. Nous avons mieux à faire que de perdre notre temps ici pour l’instant.
Enfin, Edouard, muni de son portable, de la liste des congressistes et de celle du personnel de l’ambassade, nous regagnâmes notre appartement. Un havre de paix dans cette tourmente sanglante.
***
Chapitre II
Commissaire (KEIBU) Yamato Sakura ?
L’appel du commissaire Yamato Sakura nous surprit en pleine installation de Betty parmi nous.
– Les filles, le commissaire chargé de l’enquête sera là dans dix minutes.
– Un homme charmant Yamato mais terriblement timide.
– Vous le connaissez Betty ?
Elle me regarda comme si je venais de dire la pire bêtise de la journée.
– Mais Edouard, je viens de visiter son subconscient. Bien sûr que non je ne le connais pas physiquement, pour l’instant. Sans plus d’explication, elle sifflota la chanson de Julio Iglesias « Il faut toujours un perdant ».
« Vois...C'est moi qui fais ce soir le premier pas,
on s'ennuyait un peu mon cœur et moi,
on revient près de toi. »
– Betty c’est un nouveau message d’Annie ? S’enquit Edouard.
– Non, le désespoir du commissaire Yamato Sakura, « le cerisier ». Elle reprit sa chanson cette fois en fredonnant les paroles.
« Vois...Rien qu'un instant je ne vais pas rester,
je prends de tes nouvelles et je m'en vais...
Je ne fais que passer.
Moi...je te retrouve au milieu de tes fleurs.
Chez toi la vie a toutes les couleurs
et le goût du bonheur. »
Le désespéré commissaire Sakura sonna à ce moment-là. Au même moment la voix de Betty enfla au fur et mesure qu’Edouard allait vers la porte pour l’ouvrir. Yamato Sakura s’introduisit dans notre univers, au moment le plus dramatique de la chanson.
« Moi...en noir et blanc je vois passer les jours,
comme un brouillard qui tournerait autour des choses de l'amour. »
Avec stupeur, nous le vîmes entamer le refrain avec Betty, sans plus s’occuper de nous.
{Refrain:}
« Je sais, en amour il faut toujours un perdant
j'ai eu la chance de gagner souvent,
et j'ignorais que l'on pouvait souffrir autant.
Je sais, en amour il faut toujours un perdant
j'ai eu la chance de gagner souvent
Je t'ai perdue, pourtant… ».
Fin de l’entracte, Yamato Sakura lui fit le baisemain et nous regarda surpris de nous voir sagement assis, attendant son bon vouloir.
– Merci chère Madame, vous venez de me rendre une partie de ma jeunesse.
– A votre service Commissaire Sakura. « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ».
– « La fleur tombée du cerisier ne connaît pas la fraîcheur de la rosée », Mademoiselle Betty.
– Commissaire, pour les poèmes, est-ce que nous pourrions envisager d’approfondir la question plus tard ?
– Je comprends Commissaire Marceau, le temps du repos n’a pas encore frappé à notre porte.
– Où avez-vous appris le français Commissaire ?
Je sais, c’est une question banale. Un moyen comme un autre de détourner son attention de Betty, qui avait l’air de repartir dans son monde éthéré.
– Madame ?
– Simone.
– Madame Simone, j’ai eu le privilège de faire une partie de mes études en France, notamment à la Sorbonne à Paris.
;– Commissaire, pouvez-vous me dire réellement ce qui se passe avec le corps de la victime.
– Vous avez raison Commissaire Marceau, mettons-nous au travail. Comme vous devez le savoir, une partie du corps a été trouvée dans la chambre. Hier, nous avons trouvé le tronc, ce matin les jambes.
– C’est un barbare qui a dû la découper, ce n’est pas possible. Grogna Madeleine.
– Je suis désolé d’avoir à vous imposer tous ces détails Mesdames.
– Continuez Commissaire !
– Dans le tronc nous avons trouvé une bague ancienne. Un bijou qui a été dérobé dans un musée ou une bijouterie. Nous faisons des recherches.
– Dans le tronc ! Voyons Commissaire, pourquoi la victime aurait-elle dissimulé un bijou de valeur dans le tronc ?
– Madeleine, il n’ose pas nous dire qu’elle l’a dissimulé dans le « jardin des délices ». Ou si tu préfères dans « le bouton de rose ».
– Simone, quelle idée de planquer une bague dans les profondeurs de son corps !
– Si tu as un message à transmettre, qu’il ne te reste que ton corps, tu n’as certainement pas beaucoup de choix.
– De quel message tu parles Simone ?
– Madeleine, si tu es certaine de mourir, qu’est-ce que tu ferais, si tu avais un bijou de valeur en ta possession.
– Je m’occuperais de mon salut en priorité. Que veux-tu que je fasse d’un bijou si je suis morte ?
– Tu as la réponse à ta question. Le bijou est donc un message. Nous devons savoir, pourquoi a-t-elle pris le temps de le cacher ?
– Vous êtes bien encadré Commissaire Marceau. Nous pensons que le crime a été commis par un Occidental. Si nous ne trouvons pas l’assassin, notre pays sera couvert de honte. Quant à moi, je serai déshonoré à jamais.
– Commissaire, comment pouvez-vous affirmer que le crime a été commis par un Occidental ?
– La découpe Mesdames ! Aucun Japonais, qui se respecte, aurait découpé aussi salement un corps, aucune précision dans le geste. Quand vous découpez un poulet, vous ne le tranchez pas n’importe comment. Pour découper un corps, c’est identique. Nous avons affaire à un amateur.
– Tous les coups d’essai ne sont pas nécessairement des coups de maître Commissaire. Avec un peu d’entraînement, le coupable pourra faire mieux la prochaine fois. Répliqua Edouard.
– Commissaire Marceau, même si l’assassin récidive, nous sommes certains que ce ne peut être un Japonais. Confirma Yamato Sakura.
– Pourquoi tant de certitude ! S’exclama Simone.
– La découpe entre le tronc et la tête. Depuis des millénaires nos samouraïs découpent des têtes. Une coupure nette sans bavure, chère Simone.
A ce stade de notre entretien avec le commissaire Yamato Sakura, Edouard nous fit un résumé des éléments que nous avions déjà.
– Nous allons donc partir de la certitude que l’assassin est un amateur Occidental. Nous avons un bijou volé qui est censé être un message de la victime. Une chanson transmise par Annie, qui est censée nous indiquer le mobile. Un corps en pièces détachées. Au fait Commissaire Sakura, que manque-t-il encore comme partie du corps ?
– La tête et les pieds. De quelle chanson parlez-vous ?
– Simone, montrez lui les paroles de « Je ne t’écrirai plus jamais ». Betty inutile de la chanter !
Malgré la demande d’Edouard, Betty fredonna en sourdine l’air de la chanson.
– Mon dieu, c’est impossible ! Le commissaire Yamato Sakura devient blanc comme un linge.
– Vous connaissiez la victime personnellement Yamato ? Demanda Betty sortie comme par miracle de sa rêverie.
Yamato Sakura, qui marchait jusqu’à présent de long en large dans la pièce, se laissa tomber comme assommé sur le canapé. Il mit sa tête dans ses mains et se mit à pleurer.
– Je ne l’ai pas reconnue. Comment j’ai pu oublier son corps ? Il leva la tête vers nous ses yeux remplis de larmes.
– Vous connaissiez Elisabeth Fieldman, Yamato ? Lui demanda de nouveau Betty avec douceur.
– Je connaissais Elisabeth Merrand. Nous nous étions rencontrés à Paris lors de mes dernières vacances.
– Ce n’était pas qu’une relation de vacances, n’est-ce pas Yamato ? La chanson est la votre ? Insista Betty.
– Pas vraiment notre chanson, elle fredonnait souvent cet air. Une amitié de jeunesse d’après ce qu’elle m’avait dit.
– Vous a-t-elle dit le nom de cette amitié de jeunesse, Yamato ?
Je repris le relais. Betty s’était détournée à la fin de la réponse du commissaire Yamato Sakura, pour regarder par la fenêtre.
– Non Simone, uniquement qu’ils se connaissaient depuis l’enfance. Une amourette d’adolescent en quelque sorte.
– Edouard, il faudra rajouter dans votre résumé « l’amourette d’adolescent ». Nous devons savoir, qui est cet homme, où il se trouvait au moment du meurtre, les relations qu’il avait gardées avec la victime et surtout la dernière fois qu’Elisabeth l’a rencontré ?
Sans crier gare Betty se retourna vers nous et entama « Et surtout ne m'oublie pas » d’ Alain Delorme.
« Et surtout ne m´oublie pas. Quand je serai loin de toi.
Si je dois te quitter. Il ne faut pas, non pas pleurer.
Et surtout ne m´oublie pas. Tu sais que je reviendrai.
Ce n´est pas tous les jours. Qu´on trouve le grand amour ».
{Refrain:}
« On dit souvent que loin des yeux
On est aussi loin du cœur
Mais si tu m´aimes
Comme je t´aime
Il ne faut pas avoir peur »
« Et surtout ne m´oublie pas. Écris-moi de temps en temps.
Parle-moi de ta vie. Tout comme si j´étais là. »
{Refrain :}
« Surtout, et surtout ne m´oublie pas. Quand j´aurai le mal de toi.
Pendant ces longues nuits. Où je serai sans toi
Et surtout ne m´oublie pas. Tu sais que je reviendrai.
Je t´en prie, attends-moi. Ne m´oublie pas! »
La chanson s’arrêta d’un seul coup, Betty avait l’air très émue. Comment en être certain, avec ses lunettes noires qui cachaient ses yeux. Mais pourquoi en plein jour portait-elle des lunettes noires ?
– Betty, Annie a pu communiquer avec Elisabeth ?
– Non, la tête vient d’être délivrée à l’ambassade de France. Je suis désolée pour vous Yamato.
A peine Betty avait-elle fini de parler, le téléphone d’Edouard sonna.
– Allô !
– Commissaire Marceau ? Arnold, l’ambassadeur veut que vous veniez immédiatement. Nous vous envoyons un chauffeur.
– Ok, nous arrivons. Le commissaire Yamato Sakura nous accompagne.
– Vous ne demandez pas pourquoi Commissaire ?
– Inutile, nous verrons bien sur place de quoi il en retourne.
– L’ambassadeur refuse que Mademoiselle Betty vienne.
– Il faudra bien qu’il accepte sa présence. Mademoiselle Betty est ma collaboratrice dans cette affaire. Quiconque me mettra des bâtons dans les roues sur cette enquête sera sanctionné. J’y veillerai personnellement.
– Il a raccroché sans rien dire. Ce type est bizarre. Vous avez des informations sur le secrétaire de l’ambassadeur, Yamato ?
– Nous avons quelques soupçons le concernant. Vingt ans dans un pays pour un personnel d’ambassade, c’est très rare. Je peux déjà vous orienter sur ses préférences sexuelles. Edouard, le seul conseil que je me permets de vous donner, soyez très prudent avec cet individu.
– Yamato, vous m’en dites trop ou pas assez. Je ne peux pas me contenter de demi-mesures.
– Je ne suis pas habilité à répondre pour l’instant à votre question. Je vais consulter ma hiérarchie. Je vous promets de faire le maximum pour obtenir leur aval.
– Yamato, nous sommes dans le même bateau. Je ne laisserai pas un crime tel que celui d’Elisabeth Fieldman impuni. Qu'elle soit la fille d’un haut fonctionnaire ou pas, si cette fille était de surcroît une de vos amies, je ferai en sorte, qu’il ait la double peine, quand nous mettrons la main dessus.
– Vous êtes un homme d’honneur Commissaire Marceau !
– Plutôt un sentimental qui a horreur que l’on maltraite les femmes. Dans le cas de cette petite, ma colère n’a plus de mesure.
– Edouard, le chauffeur est là. Vous définirez vos codes d’honneur plus tard. Décida Madeleine
***
Arnold la vipère
Le paquet arrivé dans l’après-midi, à l’ambassade de France, nous attendait sur le bureau du consul. A mon avis, il était très clair qu’une personne était visée. Une démarche sadique du meurtrier, pour mettre en garde un récalcitrant, ou pour lui signaler que bientôt ce serait à son tour.
– Arnold, savez-vous ce que contient cette boite ?
– Bien sûr, Commissaire ! Tous les paquets et courriers sont triés et ouverts par moi, avant de les transmettre à l’ambassadeur.
– Vous avez touché la tête ?
– Comment savez-vous que ce paquet contient une tête Commissaire ?
– L’assassin me l'a dit avant de l’envoyer, Arnold !
– Je ne vous ai rien dit au téléphone ! Vous n’avez pas voulu connaître la raison de votre convocation.
– Voyons Arnold, j’ai dit l’assassin me l'a dit. Vous être l’assassin de Mademoiselle Elisabeth Fieldman, Arnold ?
– Quoi ! Vous êtes fou. Pourquoi aurais-je tué cette fille ? Je ne la connaissais pas. Vous devriez éviter de dire mademoiselle quand vous parlez d’Elisabeth Fieldman ! Elle n’avait rien d’une demoiselle, c’était plutôt une traînée !
Madeleine mit la main sur le bras de Yamato Sakura pour le retenir. C’était inutile de prendre une telle précaution, j’admirais sa maîtrise. Nous n’avions plus devant nous l’amant éploré, mais l’intraitable commissaire Yamato Sakuro. Si l’homme pouvait s’effondrer, le commissaire était de granite.
– Pouvez-vous préciser votre propos Arnold. Demanda Edouard avec une douceur inhabituelle dans la voix.
– Demandez au Commissaire Yamato Sakuro, il pourra vous le confirmer. Vous avez bien connu Elisabeth Fieldman Commissaire ? Il eut pour Sakuro un regard méprisant complété par un sourire ironique.
– Arnold, ne m’obligez pas à me fâcher. Je vous ai posé une question, veuillez répondre. Le commissaire Sakuro n’est ici qu’en observateur. J’attends votre réponse.
– Cette fille couchait avec le consul et prétendait avoir un fiancé. Demandez à son ex-mari ce qu’il a enduré avec elle.
– Comment avez-vous eu toutes ces informations Arnold ?
– Tout finit par se savoir commissaire. Le monde des ambassades est petit. Si le consul est parti en catastrophe en vacances, ce n’est pas pour surmenage. Il était bouleversé par la mort de sa maîtresse. D’autant que cela dure depuis des années. Je crois qu’ils étaient amis d’enfance. Il faut dire, qu’entre ces passions amoureuses et le jeu, il ne lui restait guère de temps pour son travail.
Madeleine, assise dans un coin notait scrupuleusement toutes ses paroles. Il avait habillé le consul sans oublier les caleçons. Arnold, la vipère, se délectait de pouvoir rependre son venin en abondance.
– Bien, vous avez expliqué clairement votre opinion envers la victime Arnold. Veuillez préparer un document de décharge, pour que le Commissaire Yamato Sakura puisse emmener le paquet.
– Il ne regarde pas avant de l’emmener s’il s’agit bien de la tête d’Elisabeth Feildman ?
Il énonça sa question avec un espoir mal dissimulé. Cet ignoble bonhomme éprouvait un plaisir sadique à voir souffrir les autres, en particulier le commissaire Yamato Sakura ! Quel contentieux y avait-il entre ces deux protagonistes pour qu’Arnold se comporte de la sorte ?
Impassible Yamato Sakura, ne lui jeta même pas un regard. Il sortit un calepin et se mit à prendre des notes. Retour à la niche mon vieux Arnold!
Refoulant sa rage, Arnold partit exécuter les ordres d’Edouard. Muni du double du document, Yamato Sakura quitta le consulat, sans lui avoir une seule fois adressé la parole.
Arnold venait de se faire son pire ennemi. S’il avait pris le temps de réfléchir, il se serait bien gardé de continuer à déverser son venin, après son départ.
– Pas très fier le Yamato Sakura. Un flic de seconde zone qui se prend pour un caïd. Un jour il rencontrera son maître. N’est-ce pas Commissaire Marceau ?
– Et ce sera vous je suppose Arnold ?
– Moi ou un autre commissaire. Nous avons tous un maître quelque part pour nous donner une leçon. Regardez l’Ambassadeur, un homme cultivé, compétent, écouté de sa hiérarchie, mais incapable de passer devant une donzelle s’en lui soulever son jupon.
– Ce n’est pas votre cas Arnold ! Les filles ce n’est pas votre tasse de saké, n’est-ce pas ?
– C’est ce chacal de Yamato Sakura qui vous a dit ça ?
– Non, tout se sait dans le petit monde des ambassades Arnold !
– Ils se trompent tous, j’ai eu une femme et une fille.
– Que sont-elles devenues ?
Edouard, n’avait pas l’intention de le lâcher aussi facilement qu’Arnold semblait le croire.
– Mortes toutes les deux. Je ne ferai pas d’autre commentaire sur cette triste histoire.
– Une dernière question Arnold. Est-ce que le consul avait offert une bague de valeur à son amie Elisabeth ?
Notre informateur, spécialiste des ragots, se troubla. Le faisait-il exprès ou bien la sueur qui perla sur son front était de la peur ?
– Comment voulez-vous que je le sache ? Je ne m’occupais pas de sa vie privée.
Gonflé Mister potins, « délateur sans intention de nuire » ! Renard ou parfait crétin, je n’avais pas encore décidé dans quelle catégorie je devais le classer. La seule certitude que j’avais, Arnold n’était pas l’innocent qu’il prétendait être dans cette affaire.
– Je comprends, vous avez suffisamment de travail avec l’ambassadeur pour avoir aussi le temps de surveiller la vie sentimentale mouvementée du consul.
– Vous avez tout compris Commissaire. Je dois vous laisser. J’ai d’autres obligations à remplir.
J’observais Edouard lorsqu’il prononça cette phrase. Si Arnold l’avait mieux connu, il aurait eu des heures d’insomnies en perspective. Arnold venait de se faire son deuxième pire ennemi sur terre.
***
Edouard contacte Paris
A notre grande surprise Edouard contacta son bureau à Paris.
– Virginie pouvez-vous me trouver le téléphone du commissaire Alphonse Piradon ?
– Commissaire, il est en vacances en Lozère.
– Trouvez-moi son numéro personnel !
– Vous avez de quoi noter Commissaire ?
– Allez-y Virginie.
– Edouard, pourquoi contactez-vous Paris ? Si vous voulez vous débarrasser de nous vous perdez votre temps.
– Simone, je n’y songe même pas. J’ai un doute sur l’indispensable Arnold. Je ne parle pas japonais, et l’on me met sur une affaire d’un crime sensible, qui pourrait mettre en danger les relations diplomatiques avec le Japon, ce n’est pas clair.
– Puisque Yamato Sakura parle français, où est le piège d’après vous ?
– Simone tout comme moi, vous avez remarqué que les relations entre Yamato et Arnold sont au plus froid. Yamato a l’œil sur lui depuis quelque temps. Cette situation ne vous évoque rien ?
– Un éventuel piège tendu par Arnold pour se débarrasser de Yamato Sakura ?
– Notamment, mais j’irai plus loin dans le raisonnement, le discréditer et peut-être le faire passer pour l’assassin.
– Yamato nous a prouvé que c’était impossible que l’assassin soit Japonais. Si Arnold tentait de lui mettre ce meurtre sur le dos, il risque de se retrouver dans une position très inconfortable. Il a l’air d’oublier qu’il n’est que secrétaire d’ambassade.
– Exact Simone, il tente de nous utiliser pour régler ses comptes personnels.
– Si nous demandions de l’aide à Betty pour fouiller dans son subconscient ?
– Impossible Simone, j’ai essayé dans le bureau du consul. Chez cet homme tout est noir. Je ne peux même pas pour l’instant explorer ses rêves. Sa tête est un vrai coffre-fort.
– Ce n’est pas grave Betty, nous allons utiliser des moyens classiques.
Edouard contacta son homologue en Lozère.
– Alphonse, Edouard Marceau, comment vas-tu ?
– Salut mon vieux, je pensais à toi. Comment tu t’en tires avec tes japonais ?
– Pas mal, j’ai besoin d’une précision sur cette affaire.
– Si je peux t’aider avec plaisir.
– Peux-tu me dire pourquoi on m’a confié ce dossier, je ne parle même pas japonais ?
– Moi aussi j’ai été surpris, lorsque j’ai appris que tu allais être bloqué au Japon. D’après les bruits qui courent, l’ambassade a insisté pour que tu sois chargé de l’enquête.
– Tu as le nom de la personne à l’ambassade qui a fait la démarche.
– Un certain Arnold, d’ailleurs, il voulait aussi savoir où était passé le corps d’une certaine Annie. D’après le dossier de la fille, c’est toi qui as arrêté son meurtrier.
– Alphonse, tu veux bien faire des recherches sur cet Arnold. Remonte jusqu’à sa conception s’il le faut.
– Tu as besoin de sa fiche complète pour quand ?
– Si tu peux aujourd’hui. Je plaisante, fait au plus vite. Nous avons des doutes sur ce lascar. Soit prudent, j’ai l’impression qu’il a des appuis à la chancellerie. Merci Alphonse.
– A charge de revanche mon vieux. Amuse-toi bien avec tes copines.
Edouard nous fit un compte rendu de son entretien avec Alphonse Piradon. Madeleine réagit immédiatement.
– Cette vipère savait que nous étions au Japon. Ce que je ne comprends pas, que vient faire Annie dans cette histoire ?
– Elisabeth et Annie étaient amies. Elles ont dû partager quelques soirées ensemble. Si Arnold surveillait le Consul, il a dû entendre parler d’Annie. Enfin je suppose, nous dit Betty.
Edouard s’emporta.
– Betty, vous nous cachez des informations !
– A vrai dire, Annie était très inquiète pour vous trois. Elle a dit, s’ils n’arrivent pas à vous tuer ici, ils le feront à Paris...
Fin de l'extrait
***
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